Face à la pauvreté galopante, les femmes de Maga, dans le Mayo-Danay, ont développé une synergie pour améliorer leurs moyens d’existence.
1-Une caisse pour sécuriser l’épargne
Afin de disposer des moyens de financement pour promouvoir leurs activités, les fumeuses de poisson de Maga, dont l’âge moyen est de trente ans, se sont réunies en association. Elles sont pour la plupart analphabètes. Le groupe n’est pas légalisé, mais fonctionne uniquement avec un bureau composé d’une présidente, d’une secrétaire et d’une commissaire aux comptes. Il existe au sein de cette association une caisse d’épargne - crédit constituée uniquement des contributions des membres dont les montants varient entre 500 et 3.000 Fcfa. Les femmes se réunissent deux fois par mois. L’argent épargné est distribué sous forme de prêt à un taux d’intérêt mensuel de 10 %. Le montant des prêts n’excède pas 20.000 Fcfa par adhérente et le remboursement est obligatoire après un mois. Les femmes sont disciplinées, malgré la non-existence d’un règlement intérieur. Les remboursements de prêts se font sans problème. Un compte d’épargne est ouvert au bureau des postes de Maga pour garder l’argent non emprunté. En général, les activités traditionnelles des femmes de Maga sont le désherbage des rizières, le repiquage des plants et la récolte du riz. Selon le groupe de femmes rencontrées, ces activités sont très pénibles et très peu rémunératrices (10.000 à 15.000 Fcfa de salaire par mois). De plus, l’argent gagné est tout de suite dépensé pour résoudre les problèmes de santé, du fait de l’exposition à un grand nombre de maladies (bilharziose, amibiase, paludisme…). Face à cette situation, certaines femmes de la localité se sont lancées dans le fumage du poisson qui est devenu leur activité principale. "Depuis que je fume le poisson, je me porte mieux, je dépense moins d’argent en matière de santé, j’envoie mes enfants à l’école; bref, mes conditions de vie se sont nettement améliorées", atteste l’une des femmes du groupe.
2- En quête des techniques modernes
Grâce à cette activité de fumage du poisson, les femmes apportent une aide remarquable, bien qu’insuffisante à leur mari pour l’entretien des familles dont la taille varie entre 8 et 10 personnes. L’une des stratégies d’existence des fumeuses de poisson de Maga est le stockage de riz en période de récolte pour le revendre plus tard lors de la saison morte (saison des semences) à un prix élevé, quelquefois égal au double du prix d’achat. Les besoins exprimés par ce groupement de femmes sont de plusieurs ordres (organisationnels, éducationnels et financiers). Les femmes aimeraient faire de leur groupe une véritable association socioprofessionnelle, légalisée et bien structurée. Ceci suppose une maîtrise en gestion des associations. En outre, elles éprouvent la nécessité d’être formées en techniques modernes de fumage pour améliorer la qualité du produit fini et en construction de fours conservant beaucoup de chaleur et utilisant moins de bois car, Maga se trouve dans une zone soudano - sahélienne caractérisée par un manque de bois. Elles voudraient également recevoir des notions pratiques en matière d’hygiène et de santé, de nutrition, de gestion des revenus et de tenue de cahiers de compte. Le fumage du poisson nécessite un fonds assez important pour faire face aux dépenses telles que l’achat du poisson et autres accessoires (bois, emballages…). De ce fait, ce groupe de femmes souhaite obtenir une assistance financière sous forme de prêt, afin d’augmenter les disponibilités de la caisse d’épargne susceptibles d’être accordées aux membres sous forme de petits crédits.
3- Maga, grenier à poissons du Grand nord
Maga est un arrondissement du Département de Mayo-Danay dans la Province de l’Extrême Nord du Cameroun. Il est situé entre deux grandes chefferies, Pouss et Guirvidig, et est doté de presque tous les services administratifs (sécurité, santé, agriculture, élevage et pêches, éducation…). Il abrite le lac de Maga, barrage d’irrigation des périmètres rizicoles dont la mise en eau a eu lieu en 1979. La longueur de la digue est de 28 km pour une superficie en période d’étiage (mai - juin) de 90 km² et de 360 km² en période des hautes eaux (juillet, août, septembre, octobre). Situé en bordure du Logone, il permet d’irriguer jusqu’à 6 000 hectares de champs de riz. Le lac est long de 27 kilomètres et large de 24 kilomètres. La crête (largeur de la digue) fait 5 mètres avec une pente raide de 1/10 et 04 mètres de profondeur. Les eaux du lac sont aussi abondantes en poissons. Avec une profondeur de 4 mètres, on y trouve de nombreuses variétés (capitaine, sardine, carpe, silure, aux morues et même le Kanga.) Il n’y a que du maquereau qui manque à l’appel. La pêche occupe les populations tout le temps que dure la saison sèche, soit d’octobre à juin de chaque année. Cette activité est très développée autour de ce lac qui compte 35 villages et campements de pêche dont 4 grands villages (Maga, Pouss, Kaï-Kaï et Guirvidig). Le nombre de pêcheurs est estimé à environ 1.500, pour une production annuelle de poisson évaluée à 3.000 tonnes. Le poisson est vendu soit à l’état frais, soit à l’état fumé. Bien qu’il existe une fabrique de glace au Centre de Pêche de Maga, une grande partie de la production de poisson est transformée. Cette transformation se fait aussi bien par les pêcheurs que par leurs femmes. Le niveau de production du lac permet aux femmes de s’approvisionner en poisson chaque fois qu’elles le désirent. Le poisson transformé est facilement vendu et à un prix attrayant sur les marchés de Maga, Pouss et Guirvidig qui se tiennent trois fois par semaine. Les acheteurs sont des consommateurs locaux et surtout les grossistes qui viennent des grandes villes environnantes (Maroua, Garoua) et même des pays voisins, notamment le Nigeria.
Par Jacques KALDAOUSSA (Stagiaire) à Maga Le 26-05-2008
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