dimecres, 5 de març del 2008

La crise, ses maux et ses mots…

"Papa, j’ai faim !-
Tais-toi !-
Papa, je dis que j’ai faim !-
Ferme ta gueule !
C’est ta sorcière de mère qui t’envoie m’embêter, hein !-
Papa, j’ai faiiiiim !!!-
Si tu continues à crier, je te frappe et je te sors de chez moi !"…
Propos recueillis par D.R.Lorsque surgit ou s’aggrave un conflit social et/ou politique chez nous au Cameroun, le diable, comme l’Enfer de Sartre, c’est l’Autre. L’Autre, c’est, d’un côté, le pouvoir, son propriétaire et son Parti, le "Pays organisateur", les "autochtones" ; de l’autre côté, les opposants politiques, les "dénigreurs" professionnels, les allogènes en général, "une certaine tribu" en particulier, et "une certaine presse" naturellement.Les noms d’oiseaux survolent les brasiers, infiltrent les gaz lacrymogènes et orientent les tirs à balles réelles. Des mots et des formules stéréotypés et un vocabulaire rôdé (qui défient tous les dictionnaires) décrivent et décryptent les maux et les passes d’armes, qu’il s’agisse d’élections foireuses, de victoires volées, de brimades contre les médias, de vie chère, de grèves pour quelque motif que ce soit, de toutes sortes de violences, de morts "piétinés" par balles à bout portant… Inventaire :
(1) Manipulation. C’est l’Autre qui, pour des intérêts personnels, égoïstes et politiciens, pousse des gens frustrés, les ouvriers mal ou pas payés, les étudiants misérés, les jeunes sans travail et les divers délinquants, à émettre des revendications, avec ou sans casses. Tous ces gens-là, adultes ou non, ne sont nullement capables de penser et de se soulever d’eux-mêmes. Ils ne sont ni assez intelligents, ni assez outillés, ni assez courageux pour cela. Il faut que quelqu’un … Encore que l’Agit-prop du régime sait aussi infiltrer et attiser des révoltes !
(2) Instrumentalisation. Réclamer une augmentation ou des arriérés de salaires, la baisse des prix, l’amélioration des conditions de travail ou d’études, des élections propres et équitables, l’arrêt des tracasseries policières et fiscales, une véritable guerre contre la corruption… tout ça n’est que prétextes. Les manifestants et les grévistes qui s’agitent ne sont en fait que des pantins, des instruments de perturbation utilisés par des "gens dans l’ombre" ; ce sont des marionnettes dont des politiciens aux petites ambitions tirent les ficelles pour parvenir à leurs fins : "obtenir par la violence ce qu’ils n’ont pas pu obtenir par les urnes." Bref, prendre ma place…
(3) Exploitation. Il existe tout de même quelques petits problèmes de vie quotidienne dont on pourrait se plaindre. Encore que le gouvernement s’emploie activement à y apporter des solutions (même si 25 ans n’y suffisent pas encore). Mais les apprentis-sorciers s’en servent éhontément pour inciter au désordre en lorgnant ma place.
(4) Récupération. C’est tenter de faire vôtres un mouvement et ses bons résultats. Cf la récupération par le régime des victoires hasardeuses et aléatoires des Lions indomptables, que l’on n’aide en rien. L’opposition aurait, dit-on, récupéré le mécontentement des populations pauvres et très endettées (Ppte).Au fait, dans les évènements du Février noir, qui, des émeutiers de la faim et des anti-révision de la Constitution, qui a fait de la récu ? Qui a récupéré qui et quoi ? Tel que les choses se sont déclenchées à Douala après l’annulation d’un meeting de l’opposition, n’est-ce pas plutôt les premiers qui ont profité de la colère contenue des seconds pour faire éclater leur propre colère ? Récupération, recto ou verso ?
(5) Manifestations. Assimilées à priori au vandalisme, elles sont à priori interdites et réprimées quand il s’agit de travailleurs, d’étudiants, d’opposants, de slogans, de pancartes et de banderoles exprimant le ras-le-bol, des frustrations, des points de vue hostiles au régime. Au contraire, les manifestations ne sont pas des … manifestations quand le RDPC et ses saprophytes organisent meetings, marches et messes d’actions de grâce à Paul Biya. Ce sont des sorties recommandables et protégées par les forces de l’ordre… établi.
(6) Jeter dans la rue les enfants des autres. C’est le vilain travail des apprentis-sorciers avides de pouvoir. On ne parle évidemment pas ici des enfants de la rue, les nombreux "nanga-boko", que la pauvreté jette et maintient dans les espaces publics, ni des sauveteurs, ces jeunes débrouillards pourchassés de tous les trottoirs. Il ne s’agit pas non plus, vous vous en doutez, de ces écoliers et élèves qu’on pousse sous le soleil, des heures durant, le 11 Février, le 20 Mai et en quelques autres circonstances locales, pour défiler et chanter la gloire du président du RDPC et de la République. Non, il s’agit des enfants qui disent autre chose, qui crient leur détresse…
(7) Apprentis-sorciers. Ce sont les opposants et tous les mal-pensants, grands vandales devant l’éternel d’Etoudi. Comme tout bon apprenti, ils veulent la place des grands Maîtres-sorciers qui, eux, savent comment bluffer, gagner toutes les élections, s’accrocher au pouvoir avec ou sans limitation des mandats, s’enrichir illicitement en toute impunité, et lancer les troupes contre ceux qui osent se plaindre de ces exactions.Au royaume du Renouveau, on nage en plein dans la sorcellerie, abusivement appelée "politique"…
(8) Vandales. Apprentis-sorciers dans les années 90. Ce qualificatif va aux partis et militants d’opposition, aux journaux et journalistes incontrôlables, aux contestataires de tous bords, qui défient la pensée unique et veulent casser la mauvaise gouvernance.
(9) Irresponsabilité/Irresponsable. Sont irresponsables et pratiquent l’irresponsabilité tous ceux qui pensent "mal" et commettent des revendications intempestives. Les journaux, radios et télévisions "irresponsables" sont ainsi scellés à tours de bras, pour éviter qu’ils ne donnent inconsidérément la parole à n’importe qui, aux apprentis-sorciers et aux vandales en l’occurrence.
(10) "Rentrez chez vous !" C’est l’ordre, assorti de menaces de représailles, qui est régulièrement intimé par les élites autochtones de Yaoundé et du Centre, de Douala et du Littoral, d’Ebolowa et du Sud, de Buéa et du Sud-Ouest, à tous ces apprentis-sorciers "d’une certaine tribu", Anglo-Bamis pour ne pas les nommer, qui contestent, cassent et brûlent "chez les autres". Parlez-moi de … l’intégration nationale !
(11) Paix et Dialogue. Tout le monde aime la paix. Tout le monde appelle tout le monde au dialogue. Mais, la paix, c’est l’autre qui la trouble par ses cris et ses protestations. Le dialogue, les gouvernants le préfèrent par intimidation, par corruption ou … par balles. Si vous n’êtes pas d’accord, c’est du désordre. Et le désordre ne passe pas dans un Etat de droit. Répression.
(12) Etat de droit. Communément, il s’agit du respect de la loi conjugué au respect des droits et libertés des citoyens. Chez nous, Etat de droit signifie obligations pour les populations seulement. Les dirigeants ne sont pas tenus de respecter les lois, la Constitution notamment. Etat de droit de la force…
(13) "Le désordre ne passera pas" et "Force restera à la loi". Cris de guerre contre les cris de détresse. Formules choc, usées jusqu’à la corde, qui réfèrent à la "fermeté", à la force brutale, meurtrière au besoin. Réponses de l’"autorité" aux protestations et aux revendications populaires pour un mieux-être et pour plus de démocratie. Ainsi va le dialogue en Renouveau.Cet inventaire est provisoire, non exhaustif, évidemment. Les jours et les crises à venir serviront d’autres coups de gueule et … de fusil. Le florilège s’en enrichira…
Par Daniel RIM

Le 05-03-2008